TRAMWAY T1 A NOISY STOP

TRAMWAY T1 A NOISY STOP

Un tramway pas si écolo que ça !

24/01/2008 N°1845 Le Point

Le tramway parisien pris pour cible

Fabien Roland-Lévy

Le tramway des maréchaux est sérieusement égratigné. Pas par un automobiliste énervé, mais par deux professeurs d'économie et leur étudiant doctorant. Dans une étude intitulée « Un désir nommé tramway » (1), les trois économistes tirent un bilan sévère de cet équipement « à la mode, symbole de la modernité » qui n'atteint pourtant, selon eux, aucun des objectifs fixés : le tramway a coûté très cher, il ne fait pas diminuer la circulation automobile dans Paris, il n'a aucun effet positif sur le réchauffement climatique en raison des ralentissements polluants du trafic qu'il entraîne. Les seuls bénéficiaires seraient les usagers du tramway, majoritairement des « électeurs parisiens », au détriment des automobilistes banlieusards « qui ne votent pas à Paris ». Déjà en 2005, une polémique avait opposé les auteurs à la municipalité. Cette fois encore, l'entourage de Bertrand Delanoë réfute en bloc les travaux de Prud'homme et Kopp : « fragilité de la méthode », « erreurs de chiffres », « postulat de départ favorable à l'automobile », tels sont les commentaires des experts municipaux qui défendent leur tramway en avançant par exemple qu'il y a 10 % de trafic de plus sur la ligne de tramway que sur les anciennes lignes de bus, ou que la moitié des déplacements en tram ont pour origine ou destination la banlieue

1. Revue Transports . L'article est disponible sur www.pierre.kopp.com.

Interview Rémy Prud'homme, Professeur émérite à Paris-XII, et Pierre Kopp, Professeur à Paris-I

Le Point : Vous avez déjà publié en 2006 une étude très critique sur la politique des transports de la municipalité. En voici une autre, tout aussi impitoyable, sur le tramway parisien. Ne risquez-vous pas qu'on vous reproche d'être de parti pris ?

Rémy Prud'homme : L'objet de notre étude devrait nous protéger de ce reproche. La majorité et l'opposition sont aujourd'hui sur la même longueur d'onde sur le dossier du tramway, puisqu'il a été décidé par la municipalité précédente et mis en oeuvre par l'actuelle. Nous nous contentons d'essayer de réaliser une évaluation objective d'une politique des transports. Ce n'est pas notre faute si les résultats montrent que les coûts du tramway l'emportent sur les bénéfices. Nous avons instruit à charge et à décharge, comme un honnête juge d'instruction. A preuve, nous avons identifié et estimé un gain du tramway complètement ignoré jusqu'ici, même par ses plus ardents propagandistes : un effet de décongestion du métro : un certain nombre d'usagers ont abandonné le métro pour le tramway. Nous attendons avec modestie que d'autres corrigent ou améliorent notre travail. Il faut nous dire, le cas échéant, où nous nous sommes trompés, nous démontrer que nos méthodes d'évaluation (détaillées dans notre article) ne sont pas les bonnes et en proposer de meilleures. Il serait par exemple instructif de comparer notre enquête sur les utilisateurs du tramway avec celle du bureau d'études auquel le maire de Paris a fait appel et dont les résultats ne sont pas publiés. Le citoyen notera que les informations élaborées avec l'argent du contribuable parisien sont tenues secrètes et que les recherches faites sans argent, par des universitaires indépendants, sont rendues publiques.

Votre démarche ne reflète-t-elle pas, au fond, votre désaccord avec la stratégie du maire de Paris qui vise peu ou prou à décourager la circulation automobile privée dans Paris ?

Pierre Kopp : Il n'y a chez nous aucune croyance religieuse. Nous ne sommes ni pour ni contre la voiture. Nous sommes contre les nuisances des voitures et pour les facilités des voitures. Les automobilistes ne se déplacent pas par bêtise ou par méchanceté. S'ils utilisent ce mode de transport, c'est parce qu'ils y trouvent un intérêt. Qu'on le veuille ou non, en moyenne, en Ile-de-France, un déplacement met 50 % moins de temps en voiture qu'en transport en commun. Le tramway des Maréchaux illustre de façon caractéristique le fait que les gens n'abandonnent pas leur voiture pour les transports en commun de courte portée comme les tramways ou les bus, dont la fréquentation à Paris a nettement baissé depuis 2001, comme nous l'avions prévu, sous les quolibets et les insultes.

Mais que faites-vous du gain environnemental ?

Rémy Prud'homme : Nous le calculons ! Dire du tramway que c'est un mode de déplacement vert n'a pas grand sens. Qu'y a-t-il d'écologique à bloquer les Maréchaux et déporter le trafic automobile vers le périphérique, ce qui augmente la congestion automobile et fait perdre du temps à tous et finalement augmente les rejets de CO2 ? Nous recommandons de traiter les questions environnementales avec un peu plus de pragmatisme Propos recueillis par Fabien Roland-Levy

Les mauvais points de l'étude...

Le tramway a coûté 315 millions d'euros, financés sur fonds publics. Il augmente donc les impôts -ou la dette publique-de ce montant. } Le tramway n'a pratiquement pas entraîné de report modal. Seulement 2,6 % des usagers du tramway étaient préalablement des usagers de la voiture. } Le tramway a diminué de 40 % les déplacements automobiles sur les boulevards des Maréchaux. Les automobilistes se sont reportés sur le périphérique adjacent. } Le tramway a entraîné des pertes de temps pour les automobilistes qui continuent d'utiliser les Maréchaux, pour ceux qui entrent dans Paris et surtout pour les usagers du périphérique. Coût : 33 millions d'euros (M E). } Le tramway a contribué à augmenter les rejets de CO2 à Paris d'un peu plus de 3 000 tonnes par an. } Au total, le solde des gains et des pertes sociales annuelles engendrés par le tramway est négatif (-28 M E par an). Soit 900 M E sur trente ans.



23/02/2008
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